"IA Générative : s'unir ou subir", Digital New Deal Foundation
Il y a quelques jours, nos deux fondateurs, Alexandre Zapolsky et Michel-Marie Maudet, se sont rendu dans les locaux du MEDEF (Mouvement des Entreprises de France) pour une après-midi de conférences innovantes organisée par la fondation Digital New Deal.
Près de 150 personnes présentes dans l’amphithéâtre du MEDEF pour une première table-ronde sur « Plaidoyer pour les grandes oubliées : les infrastructures publiques de partage de données », coécrit par Laura Létourneau, expert advisor for ecological and digital transformations au Service du Premier Ministre, Raphaël Beaufret, Directeur des Services Numériques à AP-HP, Sébastien PICARDAT, Directeur général & CEO Agdatahub. Un ouvrage publié par Digital New Deal Foundation et Terra Nova.
S’est enchaîné une deuxième table-ronde sur le rapport "IA générative : s'unir ou subir", coécrit par Arno Pons, Délégué Général Think-Tank à Digital New Deal Foundation, Olivier Dion, Senior technical advisor & published author pour Digital New Deal Foundation, et Michel-Marie Maudet, Directeur Général de LINAGORA.
Une session animée par les 3 corédacteurs de ce rapport, accompagné de David Krieff, Président de la Data Space Mobilité et Tourisme de Eona-X.
Un moment d'échanges captivants, introduit notamment par Olivier Sichel, Chairman de Digital New Deal Foundation et DGA de la Caisse des Dépôts, et clôturé par un mot de Virginie Fauvel, coprésidente de la commission numérique et innovation du MEDEF.
Les nouveaux horizons de l'IA : introduction à l'agentification
Ce rapport est né d’une collaboration autour de deux thématiques principales : les communs numériques via l’Open Source, et l’agentification. En France, cette thématique d’agentification émerge comme un pilier central des discussions autour de l’intelligence artificielle, en particulier dans leur application concrète aux données des organisations.
Rappel : construire une IA de confiance
Pour rappel, nous sommes convaincus que la maîtrise technologique est cruciale pour garantir une IA de confiance. Contrairement à la domination des BigTechs, des initiatives nationales comme le projet France 2030 apportent une alternative crédible au monde numérique. Le modèle LUCIE, développé dans le cadre de l'initiative OpenLLM France, en est un exemple éloquent. Ce LLM, conçu et entraîné en France, représente une avancée majeure en termes de souveraineté numérique et de fiabilité pour la France et l’Europe.
Face à une dépendance croissante aux solutions des géants, la France s’est mobilisée autour de projets souverains comme LUCIE, conçu « from scratch » et incarnant la capacité locale à développer des outils performants et maîtrisés. Ces initiatives témoignent d’une ambition claire :
" Développer des technologies sur lesquelles on a une plus grande maîtrise. Effectivement, il n’y a pas que les BigTechs, il n’y a pas que l’IA by OpenAI ..."
« Le deuxième point, c'est : comment travailler l'ancrage de ces modèles, par rapport aux données les plus « no-golden sources ? », explique Michel-Marie. En effet, une IA de confiance repose également sur l’utilisation de données fiables. L’ancrage des modèles d’IA dans les données propres à chaque organisation, celles qualifiées de « golden sources », est fondamental. Cela permet d’atténuer les risques liés aux hallucinations des grands modèles de langage et de garantir leur applicabilité aux systèmes critiques ou transactionnels.
L’agentification : vers une IA actionnable aux données des entreprises
Pour que ces modèles de fondation deviennent véritablement opérationnels en organisation, nous devons nous appuyer sur des agents intelligents. Ces agents jouent un rôle clé pour :
Connecter les modèles aux données d’entreprise les plus récentes, assurant ainsi une pertinence et une fraîcheur dans les réponses.
Favoriser l’interopérabilité et la reformulation des données, simplifiant l’intégration des systèmes complexes.
- Fluidifier l’expérience utilisateur, en éliminant les frictions liées à la navigation entre différents systèmes et applications.
Selon Michel-Marie, il s'agit de
" connecter le modèle aux données les plus fraîches, les plus à jour, qui sont présentes dans les systèmes d'information de l'organisation."
Agentic AI : la nouvelle génération d’IA
L’agentification, ou agentic AI, ouvre de nouvelles perspectives en matière d’interactions. Ces agents ne simplifient pas seulement les processus complexes, mais redéfinissent également la manière dont nous interagissons avec la technologie.
Cette vision, portée par une maîtrise accrue des données et des modèles, renforce la confiance dans l’IA tout en offrant une expérience utilisateur fluide et optimisée. Ce chemin, que nous empruntons ensemble de manière collaborative, marque une étape décisive dans le développement d’une IA résolument humaine, collaborative et ancrée dans les réalités des organisations.
Ce concept repose sur la capacité d'agents autonomes à exécuter des tâches, coopérer, et même prendre des décisions de manière semi-automatique ou automatique. Mais au-delà des définitions théoriques, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?
Qu’est-ce que l’Agentic AI ?
Michel-Marie Maudet définit l’Agentic AI comme :
« L'Agentic AI c'est comme un groupe d'humains travaillant ensemble pour atteindre un objectif commun. Si un individu seul peut accomplir certaines choses, c'est en collaborant que des réalisations vraiment significatives voient le jour.
De la même manière, un modèle seul peut produire des réponses, mais il reste limité par son entraînement initial. L'Agentic AI pousse cette idée plus loin : il s'agit de faire collaborer plusieurs modèles ou agents d'IA, chacun avec ses compétences spécifiques, pour apprendre, partager des connaissances et résoudre ensemble des problèmes complexes. »
L’Agentic AI peut-être vue comme une révolution (ou évolution) des systèmes d’IA traditionnels. Elle se distingue par la mise en œuvre d’agents capables d'orchestrer des tâches complexes. Ces agents ne se limitent pas à une simple logique d'action-réaction, mais intègrent des habiletés de réflexion structurée, comme le démontre la méthodologie des chaînes ou des arbres de pensée. Ces approches permettent de décomposer des tâches complexes en sous-tâches plus simples, avec un modèle d’apprentissage itératif qui progresse jusqu’à une solution optimale.
Ces agents, explique Michel-Marie, sont capables de :
" récupérer l'information chez un opérateur et la pousser par exemple chez un autre opérateur, sans se poser la question de savoir quel est le format d'entrée ou de sortie "
Application dans les systèmes d’Information
L’un des principaux terrains d’application de l’AgenticAI réside dans les systèmes d’information. Les espaces de données (data spaces), souvent fragmentés entre différents silos, illustrent bien ce défi. Traditionnellement, il fallait écrire des scripts pour transcrire les données d’un système A vers un système B. Aujourd’hui, les agents peuvent prendre en charge cette orchestration de manière autonome, simplifiant considérablement les processus.
Par exemple, un agent peut interroger une base de données d’un opérateur comme Amadeus, traiter les informations, puis les transmettre à un autre système sans intervention humaine. Ces capacités permettent non seulement de fluidifier les transactions, mais aussi d’actualiser en temps réel les données et de renforcer leur interopérabilité.
Le rapport appelle à une mobilisation collective autour des biens communs numériques, en s'appuyant sur l'Open Source pour maximiser l’impact des investissements. Cette approche vise à garantir une interopérabilité entre les secteurs et à renforcer l’autonomie technologique. Comme le précise Michel-Marie :
" Ce qu’il faut faire, c’est effectivement, implémenter des agents autonomes dans les organisations […] pour être capable de rendre actionnables ces données ".
Les dernières avancées en Agentic AI
Depuis quelques mois, plusieurs étapes ont marqué le développement de l’AgenticIA. Par exemple, Microsoft a publié des travaux positionnant cette technologie comme fondatrice de l’intelligence artificielle générale (AGI). Cette vision s'inspire du fonctionnement humain : tout comme une équipe de rugby combine les forces de ses joueurs pour atteindre un objectif commun, les systèmes d’IA autonomes coordonnent leurs efforts pour résoudre des problèmes complexes.
Des projets récents, comme Swarm d’OpenAI, montrent comment l’AgenticAI peut transformer les usages. Un cas particulièrement marquant est celui de bolt.new, une IA capable de générer des applications complètes en quelques prompts seulement. Derrière ces prouesses se trouvent des agents qui prennent en charge la création du front-end, du back-end, et leur intégration, rendant accessible le développement à des non-développeurs.
Un autre exemple concret de cette approche, testé en live lors de cette conférence, est le projet Gen4Travel, qui vise à optimiser les transactions complexes dans le secteur du voyage grâce à une IA générative ancrée dans des données précises et actualisées.
L’intérêt de l’AgenticIA ne se limite pas à une filière ou un domaine. Les architectures développées, notamment dans des projets comme GenforTravel, sont génériques et réplicables. Elles reposent sur trois piliers essentiels :
La donnée, avec une interopérabilité renforcée.
Le langage, pour passer de modèles purement informatifs à des modèles d’action.
- Les actions, rendues possibles grâce à des agents autonomes capables d’exécuter des processus complexes.
Ce cadre normatif repose sur une vision stratégique à long terme. Il invite également à s’unir pour développer ces agents comme des biens communs numériques.
" Ces agents […] peuvent devenir eux-mêmes des biens communs, des communs numériques qui peuvent s'échanger d'une filière à une autre ".
L’AgenticIA est plus qu’une avancée technologique ; elle représente une révolution dans la manière dont nous abordons l’autonomie et la coopération des systèmes intelligents. Les initiatives actuelles montrent qu’il est possible de dépasser les obstacles technologiques et de proposer des solutions frugales, agiles et fiables. Pour cela, il faut adopter une approche proactive et collaborative, et surtout, croire que « c’est possible » !
crédits photos: Digital New Deal - MEDEF